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samedi 3 avril 2010

Mon âme chez Hadès

Il arrive que l'âme en exil trouve quelques informations utiles dans certains textes littéraires ou philosophiques. Parmi eux, cet extrait du Phédon, dans lequel Socrate tire les conséquences pratiques qu'il y a pour l'homme à poser l'hypothèse de l'immortalité de l'âme. Si l'âme survit à la mort, nous dit-il, cela signifie que l'on court un grand danger à vivre comme si elle n'existait pas. Car une fois chez Hades, où il ne restera plus de nous que notre âme, il nous faudra alors vivre avec une réalité dont on n'aura pas pris soin: une âme affaiblie et enlaidie par les injustices qu'elle aura commises en cette vie.

On notera ici que prendre soin de son âme, c'est avant tout se préoccuper de son éducation : "Car, en descendant chez Hadès, elle ne garde avec elle que l’instruction et l’éducation, qui sont, dit-on, ce qui sert ou nuit le plus au mort, dès le moment où il part pour l’autre monde". Si Socrate dit vrai, la conclusion en est aisée : une fois de retour dans notre vraie demeure, notre bonheur ne dépend pas de biens extérieurs à notre âme. Non, Là-bas, ce qui nous ravit ou nous meurtrit fait partie de notre substance même ; c'est notre connaissance ou notre ignorance des réalités de l'au-delà.
Mais voici une chose, mes amis, poursuivit Socrate, qu’il est juste de se mettre dans l’esprit, c’est que, si l’âme est immortelle, il faut en prendre soin, non seulement pour le temps que dure ce que nous appelons vivre, mais pour tout le temps à venir, et il semble à présent qu’on s’expose à un terrible danger, si on la néglige. Si en effet la mort nous délivrait de tout, quelle aubaine ce serait pour les méchants d’être en mourant débarrassés tout à la fois de leur corps et de leur méchanceté en même temps que de leur âme !
Mais maintenant que nous savons que l’âme est immortelle, il n’y a pas pour elle d’autre moyen d’échapper à ses maux et de se sauver que de devenir la meilleure et la plus sage possible ; car, en descendant chez Hadès, elle ne garde avec elle que l’instruction et l’éducation, qui sont, dit-on, ce qui sert ou nuit le plus au mort, dès le moment où il part pour l’autre monde.
On dit en effet qu’après la mort, le démon (daïmon) que le sort a attaché à chaque homme durant sa vie se met en devoir de le conduire dans un lieu où les morts sont rassemblés pour subir leur jugement, après quoi ils se rendent dans l’Hadès avec ce guide qui a mission d’emmener ceux d’ici-bas dans l’autre monde. Lorsqu’ils y ont eu le sort qu’ils méritaient et qu’ils y sont restés le temps prescrit, un autre guide les ramène ici, après de nombreuses et longues périodes de temps. Mais le voyage n’est pas ce que dit le Télèphe d’Eschyle. Il affirme, lui, que la route de l’Hadès est simple ; moi, je pense qu’elle n’est ni simple, ni unique ; autrement, on n’aurait pas besoin de guides, puisqu’on ne pourrait se fourvoyer dans aucun sens, s’il n’y avait qu’une route. Il me paraît, au contraire, qu’il y a beaucoup de bifurcations et de détours[...] Quoi qu’il en soit, l’âme réglée et sage suit son guide et n’ignore pas ce qui l’attend ; mais celle qui est passionnément attachée au corps, comme je l’ai dit précédemment, reste longtemps éprise de ce corps et du monde visible ; ce n’est qu’après une longue résistance et beaucoup de souffrances, qu’elle est entraînée par force et à grand-peine par le démon qui en est chargé. Arrivée à l’endroit où sont les autres, l’âme impure et qui a fait le mal, qui a commis des meurtres injustes ou d’autres crimes du même genre, frères de ceux-là et tels qu’en commettent les âmes de même famille qu’elle, voit tout le monde la fuir et se détourner d’elle ; personne ne veut ni l’accompagner ni la guider ; elle erre seule, en proie à un grand embarras, jusqu’à ce que certains temps soient écoulés, après lesquels la nécessité l’entraîne dans le séjour qui lui convient. Au contraire, celle qui a vécu toute sa vie dans la pureté et la tempérance et qui a eu le bonheur d’être accompagnée et guidée par les dieux a trouvé tout de suite la résidence qui lui est réservée.

2 commentaires:

Allan a dit…

j'aime ces textes parce depuis les philosophes antiques on n'a pas fait vraiment mieux ... clarté, pédagogie ...

mike a dit…

je pensais comme toi Allan puis mes lectures m'ont rapproché de ce site internet où je retrouve les choses claires et pratique...e-ostadelahi.com
bonne lecture

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